du 4 février au 5 mars 2023
Edmond Dubrunfaut - Dessins pour la vie
Au cours de sa longue vie, Edmond Dubrunfaut (1920-2007) s’est adonné au dessin pendant 70 ans. Discipline quotidienne et fruits d’une permanente observation de la vie, les séries se succèdent abordant des thèmes variés, reflets des préoccupations du peintre. Encres de Chine brossées à grands coups de pinceau dans ses débuts, parfois rehaussées de traits à la plume et de taches colorées, elles traduisent un tempérament expressionniste qui se modifiera au cours des années vers un réalisme mélancolique. Viendront ensuite des lavis aquarellés où les teintes diverses le disputent au contraste, souvent puissant, du noir de l’encre et du blanc du papier. Griffures de la plume, grattages, migrations des pigments entraînés par l’eau inventent des matières, des formes percutantes ou douces, témoins d’une éblouissante maîtrise.
Si le regard porté sur l’humain s’impose de manière lancinante, il questionne autant le peintre que le spectateur et nourrit les autres domaines artistiques embrassés par Dubrunfaut dans sa longue carrière. Ainsi paraissent la tapisserie dont il contribua à renouveler le langage au XXe siècle, image d’une vie plus paisible, et toutes les techniques pratiquées dans l’art mural que le créateur s’acharna à défendre et construire pour offrir l’art au regard de tous.
Artiste et homme engagé, pénétré de justice sociale depuis l’enfance, Edmond Dubrunfaut témoigna de la guerre dans son pays et des conséquences des incessants conflits humains qui jettent sur les routes des êtres en quête d’un avenir meilleur dans des suites bouleversantes où l’individu émerge d’une foule opprimée et tend son visage à l’éternité. Quelques dessins issus des illustrations du poème des Douze d’Alexandre Blok (1880-1921), écrit en 1918, chantent la neige, le froid, les victimes de la révolution bolchevique.
Le spectacle de la nature observée dans le silence donne naissance à des forêts, des sous-bois inquiétants, protégeant des gens qui fuient, des évocations des saisons, des animaux partenaires des hommes ou symboliques. De nombreux oiseaux habitent les œuvres de Dubrunfaut. Ici des plumes ébouriffées entourent une tête comme en un col de fourrure, là un regard noir domine, ailleurs un canard s’envole ou un rapace veille sur ses petits. Spectacle de la vie traduite par l’encre, la lumière, les couleurs.
Jacqueline Guisset
Docteur en histoire de l’Art
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Du 16 novembre au 9 décembre 2018.
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Edmond Dubrunfaut, une vie en dessins
Edmond Dubrunfaut est né à Denain en France en 1920 et mort à Furnes en 2007. Entre ces deux dates, 87 années s’écoulent, d’une vie d’artiste, entamée dès l’enfance mais aussi d’homme engagé auprès de ses contemporains pour défendre, dénoncer, constater et témoigner par la peinture. Mobilisé en 1939, le jeune homme découvre la guerre et ses atrocités dont il rend immédiatement compte en une série de dessins. Après le conflit, il se passionne pour la rénovation de la tapisserie et crée avec Louis Deltour et Roger Somville le groupe Forces murales en 1947. Une commande exceptionnelle de 300 mètres carrés de tapisserie ancre le peintre dans une matière à laquelle il restera fidèle tout au long de sa vie. Il en aimait la chaleur, la texture particulière et y avait inscrit une vision paisible et sereine de l’homme et de la nature.
La peinture monumentale retient son attention pour une grande partie de sa vie et de sa création. Travail collectif au sein du groupe de Cuesmes, fondé en 1968, ou travail personnel, l’art mural traduit les engagements humanistes de l’homme. Plus de douze mille mètres carrés, explorant de nombreuses techniques, témoignent de son désir de placer l’art « là où passent et vivent les hommes ».
Toutes ces œuvres sont sous-tendues par une pratique quotidienne du dessin. Un bout de papier, un crayon, voire un « bic » suffisent pour « croquer » l’homme, l’animal, la nature, pour parler de notre humanité et de nos combats. Plus tard, en atelier, la plume et le pinceau, l’encre de Chine et les aquarelles de couleur tracent la vie, griffent le papier en des portraits innombrables, mélancoliques, racontant les souffrances et les joies de ses contemporains pour rejoindre la longue cohorte des témoignages picturaux de la vie chaotique des êtres humains.
Le trait large et vigoureux des débuts expressionnistes cède la place à un dessin plus réaliste ou naturaliste mais qui, toujours, confère de l’intemporalité au sujet. Le travail, les luttes ouvrières s’écrivent en pages de lumière et d’ombre denses et contrastées, prémisses à des créations monumentales.
L’encre et l’eau dialoguent pour traduire le regard ironique ou interrogateur et étonné de nombreux oiseaux et autres animaux longuement observés. Une poésie certaine unit l’œuvre d’une vie offerte à la contemplation comme à la complicité avec le créateur. Parmi plusieurs milliers de dessins, ces quelques œuvres, dont certaines n’ont jamais été montrées au public, racontent l’aventure de l’art, les chemins d’une existence, la variété des modes d’expression, l’intimité d’un être totalement ouvert à l’humanité.
Jacqueline Guisset
Docteur en Histoire de l’Art
Octobre 2018
Edmond Dubrunfaut « Au fil de la vie »
Edmond Dubrunfaut s’en est allé le 13 juillet 2007. Les 87 années de sa belle existence peuvent se résumer à un long combat.
S’il crayonne dès l’enfance, il apprend très tôt la nécessité de la lutte active et la souffrance qui forge les caractères. Quelques rencontres déterminent les choix de sa nature forte. Celle de la tapisserie médiévale, admirée dans la cathédrale de Tournai, suivie du choc provoqué par Guernica de Picasso, découvert à Paris, en 1937. Pour Edmond Dubrunfaut la voie est tracée. Le mur auquel il reviendra toute sa vie doit être le support privilégié d’une oeuvre qui proclame, défend, interpelle, porte témoignage.
Avec Louis Deltour (1927-1998) et Roger Somville (1923), Edmond Dubrunfaut crée, en 1947, un premier groupe, Forces murales. S’il s’agit de redonner vie à la tapisserie en Belgique, l’idée n’est pas de se limiter à cette technique. Au contraire le regard vers l’avenir impose de rester ouvert à toutes les techniques à portée murale, traditionnelles ou inédites.
Certains chiffres impressionnent. Plus de douze mille mètres carrés d’interventions murales traversent sa vie, auxquels il faut ajouter quelques cinq cents mètres carrés de tapisserie composant les 60 pièces de la série des Temps de l’homme. Sans oublier les centaines de peintures de chevalet et les milliers de dessins d’une carrière foisonnante. Sans doute l’étude et un œil avisé peuvent différencier les œuvres des débuts, le graphis- me de la maturité, les recherches des derniers dessins. Certes, le trait se transforme mais l’être qui s’exprime reste le même. Ses préoccupations n’ont guère changé. Souvent, elles se sont élargies. Edmond Dubrunfaut est qualifié de « réaliste », sa peinture est considérée comme l’expression d’un « réalisme social ». Il se voulait seulement humaniste.
D’innombrables visages créent une galerie de portraits où chacun peut trouver à s’identifier. Quel que soit le lieu ou le moment, Edmond Dubrunfaut sortait de sa poche un bout de papier, un crayon ou un simple bic et esquissait un visage qu’il avait remarqué pour sa beauté, son caractère, sa souffrance intérieure. Plus tard, au moment de la trans- position en peinture, en tapisserie, en lavis d’aquarelle ou d’encre de Chine, il interprétait ces croquis pour parvenir à l’universel. Car le dessin forme la base de l’harmonie et l’on est toujours surpris de retrouver des surfaces et des structures inattendues qui se répondent véritablement d’un support à l’autre, d’un outil à l’autre. Cette grande famille humaine est empreinte de gravité, de sérieux, d’une certaine mélancolie porteuse de la trame poétique de nos angoisses et de notre destin.
La terre en fleurs, notre espoir, tapisserie de la station de métro Passage Louise à Bruxelles tissée entre 1981 et 1984, résume la position de l’artiste face à la question de la protection de la nature ou de l’environnement. Insectes, oiseaux de tous plumages, poissons, moutons, brebis, chèvres sont tissés et liés aux hommes et aux plantes. Une longue observation des uns et des autres dévoile des attitudes caractéristiques, des envols groupés auxquels ne manquent que le piaillement et le froissement des plumes.
L’œuvre est longue, riche, plurielle. Homme de son temps et de tous les temps, Edmond Dubrunfaut aimait la nature, les hommes, l’art, la vie ! Aussi est-il toujours avec nous !
Jacqueline Guisset - Docteur en Histoire de l’Art, Bruxelles, octobre 2008.
Les 100 derniers dessins d’Edmond Dubrunfaut : hommage à un grand artiste
Edmond Dubrunfaut était sans aucun doute un grand artiste connu pour sa force,
sa vitalité et ses engagements envers un art à la fois monumental, mural et public. Sa visite à l’exposition universelle de Paris en 1937 avait eu un grand impact sur lui et l’avait convaincu malgré son jeune âge – il n’avait que dix-sept ans – de l’importance de renouveler l’art mural. Intéressé par la tapisserie, il mit sur pied deux ateliers de tissage. Après la guerre, en 1945, il adhéra à la Jeune Peinture belge mais s’en détourna pour fonder avec ses amis Louis Deltour et Roger Somville le groupe Forces Murales qui joua un rôle important dans la rénovation de
la tapisserie et des autres arts muraux en Belgique. Il réalisa de nombreuses tapisseries, fresques, peintures murales, émaux sur acier... Nombre de ces réalisations furent créées pour des lieux publics (gare de Tournai, métro Louise et Palais de Justice à Bruxelles, écoles ...) afin d’être vues par un public le plus large possible.
Mais Edmond Dubrunfaut ne s’était pas limité à ces formes d’expression pourtant déjà si riches en potentiel artistique.
Le dessin chez lui, c’était une « respiration permanente », « le rythme de la vie », pour reprendre les termes de Paul Caso. L’artiste dessinait comme il respirait, et cela tous les jours et en utilisant des techniques diverses, en s’inspirant de thèmes variés.
L’exposition présente des œuvres choisies parmi ces cent derniers dessins. Ils ont été réalisés dans la période qui sépare le décès de l’épouse du peintre, Irène Dubrunfaut, en mars 2007 et celui d’Edmond Dubrunfaut lui-même le 13 juillet de la même année. Ils sont donc la toute dernière série d’œuvres de l’artiste. Ces dessins, encore plus que les autres, sont réellement le symbole de la vie, une lutte pour « rester debout » comme l’écrivit Jacqueline Guisset. Héroïque et battant, Dubrunfaut
le fut jusqu’à la fin en créant encore une fois des œuvres engagées dans un combat pour la vie. Il continua à puiser en lui toutes ses forces et à se plonger à corps perdu dans la création artistique. À la fois pour échapper à cette terrible réalité et pour en dénoncer d’autres (guerres, esclavages, injustices, ...) ou en créer une plus festive (série sur le cirque par exemple).
Ces derniers dessins ont ainsi une résonance symbolique très forte, car ils sont
le dernier témoignage, le testament artistique, en quelque sorte le chant du cygne d’un artiste profondément humain.
Zora VARDAJ
(Extraits de « Les 100 derniers dessins -
De laatste 100 tekeningen, Edmond Dubrunfaut »)
Visages de l’âme
Comme un pianiste jouant des gammes inlassablement, Edmond Dubrunfaut a dessiné chaque jour pendant plus de 60 ans. Hommes, animaux, plantes glissaient de ses doigts sur la feuille en une longue ligne ininterrompue de figures et d’images qui se nourrissaient du quotidien et alimentaient la totalité de sa création et de sa vie. Préalable à tout autre activité artistique, le dessin est à la fois discipline et nécessité expressive, besoin de dire, de témoigner, de garder une trace mais aussi moment d’oubli, de concentration, instant d’émotion et de quête, comme une seconde nature.
Le cours de cette vie consacrée à l’art peut se lire au détour de ces milliers de dessins, croquis, de ces lignes parfois griffonnées sur des bouts de papier intacts ou récupérés. À chaque instant, Dubrunfaut sortait de sa poche un fragment de feuille sur lequel il transcrivait une pensée ou traçait une idée.
Des constantes apparaissent dans ce long parcours. La première, la plus frappante, consacre le triomphe de l’humain aucentre de cet univers créateur. Hommes et femmes croisés au long des années forment une longue chaîne qui échappe au temps et entre dans l’éternité de l’humanité, celle d’hier, d’aujourd’hui, de toujours et de partout, celle qui, depuis plus de 35.000 ans marche, invente, construit, détruit, tue, crée, mais ne change pas fondamentalement.
Extrait de : Jacqueline Guisset, Edmond Dubrunfaut Métamorphoses du dessin, Bruxelles, Eder, 2002, p. 5.
Edmond Dubrunfaut - Denain (France) 1920 - Veurne 2007
Edmond Dubrunfaut a fait partie, dès 1945, de la “Jeune Peinture”. En 1946, il est membre-fondateur du Centre de Rénovation de la Tapisserie de Tournai, en 1947 du groupe Forces Murales, en 1954 d’Art et Réalité, en 1968 du groupe de Cuesmes. De 1969 à 1994, il expose régulièrement avec le Mouvement Réaliste.
Il a participé à plus de deux cent cinquante intégrations de tissus peints, tapisseries, fresques, céramiques, mosaïques, vitraux, émaux sur acier, murals aux résines d’acryl ou de polyester dans des architectures privées et publiques, tout en continuant de dessiner et de peindre.
Il a développé depuis de nombreuses années un art urbain original par des lieux interactifs d’art public à Tournai, Mons, Nivelles, Charleroi, Antoing ainsi qu’à Bruxelles et dans la région bruxelloise (Anderlecht et Watermael-Boitsfort).
On trouve ses tapisseries, peintures et dessins :
- dans des collections privées en Allemagne, Afrique du Sud, Argentine, Belgique, Brésil, Bulgarie, Canada, Chine, Espagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Hongrie, Italie, Japon, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Russie, Slovénie, Suède, Suisse, Tchéquie.
- dans les musées et collections publiques suivants :
Musée du Cap, Musées Royaux d’Art et d’ Histoire, Musée Royal de l’Armée, Musée d’Ixelles, Musée de la Tapisserie à Tournai, Musées des Beaux-Arts de Valenciennes, de Mons, Tournai, Verviers, Binche, La Louvière, Mechelen et dans les collections de la Ville de Liège, de la Communauté française et de la Fondation de l’Art belge contemporain.